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Champignon d’Avril 2021

Agaricus bisporus - Champignon de Paris

par Frédéric Della Giusta

Le mois d’Avril dans les Yvelines est celui du réveil de la nature (mais pas encore de ses habitants pour la troisième fois confinés). Depuis fin Mars, le changement d’heure permet aux lève-tard de profiter un peu plus des belles journées ensoleillées. Et du soleil, il n’en a pas manqué avec la chaleur qu’on peut logiquement attendre avec : le 31 Mars a vu d’ailleurs un record tomber avec 26 degrés à Paris !

Après les grandes chaleurs, retours des gelées et des journées fraiches, avec souvent un vent froid, voire glacial, et des températures au plus fort de la journée qui dépassent difficilement les 12 degrés. Un peu de pluie de temps à autre... et on assite hébétés à l’explosion printanière et soudaine de la flore : les jardins se parent de mille couleurs avec les tulipes qui remplacent les jonquilles déjà fanées, les pelouses se réveillent et s’ornent du blanc des pâquerettes et du jaune des pissenlits, et c’est déjà le retour des tondeuses à gazon...

La nature étant en fête, on aurait pu penser (on espérait, à vrai dire) que le champignon roi d’Avril, Morchella esculenta, la morille commune, montrerait le bout de son chapeau alvéolé en Forêt de Saint Germain.
Mais la morille se fait rare. La dernière récolte digne de ce nom date d’il y a cinq ans déjà, d’après Yves, notre expert, ceinture noire, maître ès morilles.
Cette année, après trois sorties, le bilan n’est pas très enthousiasmant : une morille en bord de chemin, malheureusement piétinée façon galette bretonne, et deux exemplaires juvéniles, bien trop petits pour mériter d’être cueillis, et finalement trois petites morilles à la troisième tentative. Ca ne signifie pas pour autant qu’il n’y en ait point : Yves nous aura envoyé une jolie photo d’une cueillette de 20 exemplaires laissant rêveur... Et c’est ça finalement la cueillette des champignons : il faut du flaire, de la chance, de l’expérience, de la persévérance, savoir interpréter les signes de la nature, reconnaitre les habitats propices, humer l’air la truffe au vent, ’caler l’oeil’ sur le champignon recherché... et aussi connaitre les coins, ça facilite quand même grandement la recherche !

Bref, cette année encore, le champignon du mois d’Avril ne sera pas la morille. Nous ferions mine de choisir la facilité en nous rabattant sur Agaricus Bisporus, le Champignon de Paris. Mais pas du tout. La forme sauvage du champignon de Paris dont il est question ici est plutôt rare. Dans l’inventaire de l’ANY, on dénombre trois récoltes dans les Yvelines ces 40 dernières années. Curieusement, cette année, deux nouvelles récoltes viennent s’ajouter coup sur coup :

  • la première faite dans la pelouse d’une résidence de l’Etang-la-Ville le 26 Mars, à proximité d’un cèdre de l’Atlas. L’exemplaire est déjà âgé, avec un chapeau gris brunâtre et des lames brun chocolat.
  • et la seconde dans le parc du Château de Marly le 11 Avril, dans les feuilles mortes sous de grand marronniers, dans une terre noire et riche. Les exemplaires ici sont très frais, avec un chapeau crème à ocre et des lames d’un joli rose.
Agaricus bisporus
Récolte du 26 Mars - jardin d’une résidence de l’Etang-La-Ville - exemplaire âgé
Agaricus bisporus
Récolte du 26 Mars - Vue de dessous
Agaricus bisporus
Récolte du 11 Avril, Parc du Château de Marly - exemplaires frais

Il s’agit ici de la forme sauvage du champignon de Paris. C’est bien le même champignon que celui qu’on retrouve sur les étals du marché et qu’on cultive en champignonnière (autrefois certains auteurs distinguaient ce dernier et le nommaient Agaricus hortensis). C’est d’ailleurs l’occasion de rappeler les visites organisées par l’ANY à la Champignonnière des Carrières à Evecquemont (Rue des Carrières – 78740) en Janvier 2019 et Mars 2019.

Agaricus bisporus
Janvier 2019 - Carrière d’Évecquemont

Passons maintenant à la description :

Chapeau
De 5 à 10 cm de diamètre, globuleux, aplani au centre, puis convexe et étalé, blanc à marge laineuse qui dépasse des lames, avec des mèches ou écailles fibrilleuses d’abord ocres devenant brun ou gris-brun avec l’âge.

Pied
Blanc, court, plutôt épais, avec un anneau simple, strié, tombant en jupe et se tachant du brun des spores. Présence de cordons mycéliens très fin agrégeant la terre et les débris en une boule de 2 à 3 cm de diamètre.

Lames
Lames libres et ventrues, très serrées, avec alternance de lamelles et lamellules. D’abord roses dans la jeunesse, elles virent au brun clair, puis au brun façon chocolat noir une fois le champignon complètement sec.

Chair
Blanche, un peu rosissante, devenant brunâtre en séchant.

Odeur
Agréable, de champignon de Paris ! une fois sec, le champignon dégage une odeur aromatique très différente mais qui reste agréable.

Sporée
Brun sépia sombre.

Spores
Elliptiques vues de profile, ovoïdes vues de face, à paroi épaisse, brun sépia à brun chocolat, avec présence de guttules. Taille des spores d’après la littérature : 6,5-9 x 4-6,5 µm, ici : 7-8 x 4,5-6.

Habitat
Dans les litières de feuilles ou de débris végétaux, dans les champs et les jardins, sur les tas de fumier, la terre souillée de crottin, au bord des routes.

Confusions
Possibles avec de nombreux agarics, principalement avec :

  • Agaricus campestris, le Rosé-des-prés : il est moins charnu, plus blanc, avec un anneau discret. On le trouve dans les prairies pâturées.
  • Agaricus bitorquis, l’Agaric des trottoirs : son anneau est double, d’où son nom. Par ailleurs, il aime les bords de routes, les endroits très durs, les anfractuosité dans le bitume qu’il est capable de soulever.
  • Agaricus xanthodermus, l’Agaric jaunissant : comme son nom l’indique, il devient jaune en grattant le pied ou le chapeau, et il dégage une odeur forte de produits chimiques. Il est donc aisé de lever le doute.

L’agaric bisporique est le seul à présenter des basides portant deux spores, les autres étant plus classiques en ce domaine et portant des basides à quatre spores ; en cas de doute, le microscope tranchera donc définitivement.

Références

  • EYSSARTIER G., ROUX P., 2018 - Le guide des champignons France et Europe. Ed. BELIN, 4e édition, p. 284.
  • ROMAGNESI H., 1977 - Champignons d’Europe. Ed. Bordas. Tome 1, #98 Psalliota bispora.
  • Morchella esculenta sur Mycodb
  • Agaricus bisporus sur Mycodb

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