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L’Etang Rompu - 27 Juin 2021

Forêt de Rambouillet

par Frédéric Della Giusta

L’Etang Rompu, situé en Forêt de Rambouillet, est le point de rendez-vous de cette sortie mycologique dominicale. Le temps est (encore) à la pluie, même s’il ne pleut pas au départ du circuit (mais je vous rassure, la pluie aura fini par nous rattraper avant la fin de la balade). La température est clémente, avec environ 17°C au départ et 20°C à midi. Dix adultes et trois enfants se sont réunis, avec une égale répartition entre novices, padawans, mordus et experts, le tout sous la houlette bienveillante et avertie de Jack. Même s’il ne fait pas vraiment froid, l’humidité du lieu pénètre facilement les vêtements, mais un café chaud est là pour stopper net tout risque de prendre froid.
Le circuit proposé ce jour offre des paysages et des écosystèmes variés comprenant pins sylvestres, bouleaux, hêtres (à poil), charmes (d’Adam), épicéas, chênes, un sol souvent sablonneux (des sables de Fontainebleau), des bords de chemin terreux, des sous-bois nus, certains tapissés de bruyères, d’autres enfin couverts de grandes fougères. Autre caractéristique notable, le chemin est parcouru de nombreux ponts enjambant pour la plupart de petits rus insignifiants, mais rendant cette promenade champêtre terriblement poétique. L’endroit, au printemps lorsque les fleurs éclosent, et en plein soleil, doit être terriblement romantique. Quelques photos sont proposées ci-dessous pour illustrer le propos.

Les épicéas sus-cités sont réunis dans une plantation dite "pessière". Certains reconnaissent le Jura (contrée bénie des Dieux, s’il en est) dans cette pessière des Yvelines rassemblant quelques épicéas chétifs, quand d’autres croient reconnaitre dans une russule la couleur d’une tranche de jambon... Et pourquoi pas ?! Aussi farfelues qu’elles puissent paraitre de prime abord, ces deux assertions sont absolument et rigoureusement exactes ! Nous l’allons montrer ci-dessous.
Commençons par la seconde : une photo valant mieux qu’un long discours, observons et concluons par nous même, en toute objectivité bien entendu, que oui, c’est une évidence, Russula vesca dans sa forme typique présente bien les atours colorés d’une belle tranche de jambon.

Russula vesca - Russule vieux-rose ou Russule comestible

Cette russule, qui porte les noms vernaculaires de Russule vieux-rose, ou encore Russule comestible, est mise à l’honneur aujourd’hui car on l’aura rencontré une bonne dizaine de fois. Elle est plutôt facile à reconnaitre en cette saison, car elle fait partie des premières à se montrer, et possède quelques caractères faciles qu’il nous faudra retenir : d’abord elle a, on vient de le dire, cette couleur rose dite de jambon. Deuxièmement, ses lames sont blanches, voir légèrement crème. Troisièmement, quand elle est arrivée à maturité, sa cuticule semble trop courte pour le chapeau, laissant dépasser les bords de lames. Quatrièmement, elle peut présenter de petits points oranges-rouilles sur la cuticule, les lames et le pied, souvent sur les blessures. Enfin, elle est douce, c’est à dire qu’elle ne pique pas quand on la goute. D’aucuns y reconnaissent en sus un gout de noisette, mais à l’évidence pas de celles dont on fait le Nutella car le gout est ici bien trop subtil. On aura pu constater aussi qu’elle réagit fortement en frottant un cristal de sulfate de fer sur le pied, en une couleur orangée très vive et immédiate. La mycologie étant ce qu’elle est, une science passionnante, amusante mais difficile, on notera au passage que plusieurs variétés de cette russule présente des couleurs tout autres... mais n’effrayons pas le néophyte dès sa première leçon.

Revenons maintenant à la première assertion relative au Jura. Bien que cela m’en coute, il me faut admettre qu’elle repose bien sur un fond de vérité (vous aurez compris, je suis d’origine jurassienne...). Ces bouquets d’épicéas sur le contrefort de la vallée ou coule le Ruisseau des Ponts Quentin, rappellent bien les riantes et vertes vallées jurassiennes. Ne manquent qu’un pot de cancoillotte et une meule de Comté, un troupeau de vaches montbéliardes blanches et brunes, et on s’y croirait. Ceci dit, le charme de l’endroit est éphémère, brisé qu’il est par une odeur envahissante qui retroussent les narines, soulève le cœur, et défrise les poils du nez. C’est que le lieu est propice au Satyre puant (Phallus impudicus), ou devrais-je dire infesté de satyres puants ! Mais faisons fi de l’odeur, la rencontre mycologique est très intéressante. En effet, on aura eu la chance de le trouver sous forme d’œuf, à plaine maturité ensuite avec sa gléba verte (matière visqueuse odorante) couverte de mouches, et ensuite bien vieux, tout blanc et sans sa gléba alors complètement dévorée par les mouches.

Le troisième champignon de la journée, en quantité et en intérêt, aura été l’amanite rougissante (Amanita rubescens) qui semble pousser ici comme du chiendent. Les plus téméraires auront d’ailleurs décidé de les récolter pour tenter l’expérience culinaire. Il est d’ailleurs nécessaire de rappeler que ce champignon est toxique cru, et qu’il faut bien le faire cuire. Aussi, on peut ôter la cuticule du chapeau, siège de l’amertume qui peut en rebuter certains.

L’amanite fauve (Amanita fulva) se classe quatrième au palmarès de la journée. Il y en avait des quantités gastronomiques, même si les guides sont contradictoires sur la comestibilité de ce champignon. Le Guide des Champignons de Guillaume Eyssartier et Pierre Roux le donne pour indigeste ou sans intérêt, tandis que Marcel Bon, dans son guide Champignons de France et d’Europe occidentale, le déclare "comestible passable à saveur particulière". Pour finir la tournée des guides de référence, citons finalement le guide Champignons de France et d’Europe de Courtecuisse et Duhem, qui le déclare "comestible ++ bien cuit, toxique cru". Le reste de la littérature, que ce soit sur papier ou sur internet, converge vers "comestible cuit, toxique cru", précisant que ce champignon contient des hémolysines, c’est à dire des substances détruisant les globules rouges et elles-mêmes détruites à une température supérieure à 70°C. Gustativement, si on ajoute à ça que le pied "ne vaut rien", et que le chapeau, plutôt grêle, est jugé "passable" à au mieux "agréable", on se demande pourquoi on tenterait l’aventure.

Dernier champignon mis à l’honneur pour cette sortie, la cèpe d’été évidemment (Boletus aestivalis), qu’on aura recherché avidement mais avec assez peu de succès. C’est grâce à un jeune mycologue, très actif dans ses recherches, attentif à la nature qui l’entoure autant qu’aux explications prodiguées avec bienveillance par Chan-Tha, que nous avons découvert, sous les fougères en bord de chemin, le seul exemplaire de la journée. Avec ses deux camarades, certes plus jeunes mais visiblement tout aussi intéressés, on peut conclure, rassurés, que la relève est là. A nous de les intéresser encore et de cultiver chez eux cette flamme naissante ! A dans deux semaines pour la prochaine sortie !

info portfolio

Etang Rompu, reflets d'été la troupe, au café de chauffe un pont près de l'étang un deuxième pont, près de l'étang un troisième pont, un peu plus loin de l'étang encore un pont ! Amanita rubescens - Amanite rougissante Amanita fulva - Amanite fauve Amanita fulva - Amanite fauve, jeune Phallus impudicus - Satyre puant Oeuf de Phallus impudicus Coprinopsis atramentaria - Coprin noir d'encre Calocera cornea - Calocère cornue Polyporus ciliatus - Polypore cilié Polyporus tuberaster, syn. P. lentus Cantharellus pallens, girolle pruineuse Boletus reticulatus, syn. B. aestivalis - le cèpe d'été Le mycologue de la journée ! Russula cyanoxantha var peltereaui - Russule charbonnière verte Tylopilus felleus - Bolet de fiel Fuligo septica - la fleur de tan (Myxomycète) Psathyrella candolleana - La Psathyrelle de De Candolle Gymnopus fusipes - Collybia fusipes - Collybie à pied en fuseau Infundibulicybe gibba - Clitocybe gibba - le Clitocybe en entonnoir Mycena stylobates - Mycène à disque basal Mycena abramsii - Mycène printanière Cystides de Mycena abramsii Spores elliptiques guttullées de Mycena abramsi

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