Par Étienne Varney
— Des perroquets !
— Mais ils sont jaunes
— Oui mais il y a un petit caché dans l’herbe qui est vert
— Et avec le gel, ils changent de couleur pour devenir jaune puis rouge et même violet !
Les températures inférieures à zéro ont-ils affecté les neurones des mycologues présents au sud du bassin des Suisses ? Ils ne s’intéressent guère aux oiseaux, sauf ceux qu’ils font sauter dans la poêle avec du vin jaune et des morilles. Et des perroquets ; ça a surtout des plumes ! On préfère les poulardes.
Non ! Malgré le froid qui refroidit nos pieds, nos propos sont cohérents ; on parle du premier Hygrophore coloré rencontré dans cette pelouse gelée : Gliophorus psittacinus, l’étonnant Hygrocybe perroquet.
Nous avions suggéré aux amateurs du beau qu’ils n’allaient pas être déçus. Certains, en ce dimanche gris, ont fait la grasse matinée, d’autres sont sortis et, au vu du givre épais sur le parebrise, se sont dit que la saison des champignons était terminée. Mais une petite troupe de passionnés étaient là et ils vont en avoir plein les yeux.
Nous descendons l’allée des peupliers et croisons déjà quelques espèces comme une Helvella lacunosa au chapeau noir en forme de selle. Impatients, nous rejoignons vite la pelouse près du bassin. La pelouse gelée crisse sous nos chaussures. Et bientôt des cris ; des cris quasiment extatiques : Ô des jaunes ; Âaa des rouges ; toutes les voyelles y passent…
D’autres se taisent, émus, la larme à l’oeil, devant ce spectacle qui a commencé :
– Cuphophyllus pratensis (Hygrophore des prés), blancs ; en grand nombre, certains en ramassent pour les consommer mais ces champignons gorgés d’eau et congelés sont déliquescents en arrivant chez eux ; d’ailleurs le terme Hygrophore signifie « porteur d’eau » et cette famille contient des champignons à l’aspect cireux, parfois visqueux
– Cuphophyllus russocoriaceus (Hygrophore à odeur de cuir de Russie) ; plusieurs stations de cet Hygrophore à l’odeur époustouflante ; avec le froid, il faut les garder dans ses paumes fermées pour que ces petits champignons dévoilent leur fragrance
– Hygrocybe ceracea (Hygrophore céracé) ; d’un beau jaune
– Hygrocybe insipida ; d’un beau orange
– Hygrocybe coccinea (Hygrophore écarlate) ; d’un rouge éclatant
– Hygrocybe punicea (Hygrophore ponceau) ; le clou du spectacle, une rareté, un Hygrophore robuste au chapeau rouge carmin très caractéristique. Gilbert Davaine qui m’avait fait connaître cette pelouse à Hygrophores, avait trouvé cette espèce en 2004 en ce lieu ; nous le retrouvons 19 ans après !
Pour en savoir plus sur ces magnifiques champignons, Confer l’incontournable article de Frédéric.
Autres champignons emblématiques de ces pelouses non amendées : les clavaires, en dehors de Clavulinopsis corniculata (Clavaire cornue) facile à reconnaitre à sa forme ramifiée et son odeur forte de farine, nous en récoltons d’autres jaunes filiformes ; et malgré les aspects similaires, l’étude microscopique dévoile la présence de 3 autres espèces.
Pour avoir le détail des espèces observées : consulter la liste.
C’est la dernière sortie mycologique du programme ANY 2023 ; les participants s’égaillent un peu tristes mais ils ne regrettent pas d’avoir affronté l’hiver !