par Michel NICOLLE
Doronicum x willdenowii (Rouy) A. W. Hill, 1926, Doronic de Willdenow.
Famille des Astéracées.
En ce mois de mai, une très belle Astéracée, le Doronic de Willdenow montre ses magnifiques capitules jaunes.
Le nom Doronicum viendrait de l’arabe « dorigini », désignant une plante vénéneuse indéterminée (mais les doronics ne sont pas vénéneux) ou du persan « draniya » pour « or » en référence à la couleur des fleurs. Représentés par 35 espèces dans le monde, les doronics sont originaires des zones tempérées d’Europe et du Sud-ouest de l’Asie.
Plusieurs espèces de Doronic ont fait l’objet d’hybridations de la part des horticulteurs de telle sorte que l’identification des taxons rencontrés à l’état sauvage n’est pas toujours aisé. Le Doronic de Willdenow a fait couler beaucoup d’encre à propos de sa taxonomie et sa détermination est souvent difficile car on peut le confondre avec deux autres Doronics (Doronicum plantagineum L., 1753 et Doronicum pardalianches L., 1753).
Plante vivace, à souche stolonifère, tuberculeuse.
Floraison : avril à mai.
Hauteur : de 30 cm à 1 mètre.
Habitat : sous-bois frais, lisière des forêts alluviales. Sol riche, humide et bien drainé.
Comme tous les Doronics cette plante possède deux sortes de feuilles :
Les fleurs : les capitules sont groupés par 1 à 2 par tige (très souvent plusieurs tiges par pied). Bractées de l’involucre égales sur 2 à 3 rangs. Ligules jaunes sur un seul rang. Diamètre des capitules dépassant 45 mm.
Les fruits : fructification en juin. Akènes oblongs, cylindriques, pubescents et pourvus de côtes saillantes. Les akènes du centre sont pourvus d’une aigrette de soies disposées sur plusieurs rangs. Ceux de la périphérie sont nus.
• Doronicum plantagineum (Doronic à feuilles de plantain) : naturalisé en Île-de-France, très rare (RR) sur liste rouge. Indigène et assez rare (AR) sur liste rouge en région Centre (mais la plupart des stations actuelles sont plantées).
Feuilles jamais cordées et atténuées assez brusquement en pétioles. Les caulinaires inférieures à oreillettes nulles ou peu prononcées. Capitules de 40 mm de diamètre, généralement solitaires (rarement par 2 ou 3 par tige).
• Doronicum pardalianches (Doronic à feuilles cordées) : subspontané et non classé sur liste rouge en Île-de-France. Naturalisé en région Centre.
Feuilles basales cordées, arrondies à la base (profondément en coeur). Pétioles des feuilles basales densément et longuement velus (supérieur à 1 mm). Feuilles caulinaires moyennes à oreillettes largement prononcées. Capitules de moins de 45 mm de diamètre, généralement au nombre de 3 à 8 par tige.
Il est intéressant, à propos de ce Doronic, de rappeler les conceptions taxonomiques qui se sont succédées au fil du temps, du 19ième siècle à nos jours.
Période 1 : le 19ième siècle
Le Doronic de Willdenow est reconnu au rang d’espèce et nommé Doronicum scorpioides W. (première référence bibliographique en 1804). Cette première description sera peu développée et les synonymes sont aujourd’hui des taxons distincts du Doronic de Willdenow. Ce dernier provient probablement du jardin botanique de Montpellier (de LAMARK et de CANDOLLE). Il semble qu’à l’époque une certaine confusion se soit installée, que ce soit au niveau de la planche de l’herbier de référence de la Flore française de 1815, issue probablement de plantes cultivées, aussi bien que des planches illustrées qui correspondent pour certaines d’entre elles à la combinaison de deux taxons, Doronicum plantagineum L. et Doronicum pardalianches L. (H. GUITTON).
Période 2 : fin du 19ième siècle à fin du 20ième siècle
Le Doronic de Willdenow est alors considéré comme une variété et rapproché du Doronicum plantagineum L..
Il portera successivement les noms suivants :
– Doronicum plantagineum L. var scorpioides Le Grand
– Doronicum willdenowii Rouy
– Doronicum emarginatum Le Grand
– Doronicum plantagineum L. subsp. emarginatum Le Grand
Au début du 20ième siècle, Rouy et Coste vont replacer le Doronic de Willdenow au rang d’espèce.
– Rouy le nommera Doronicum willdenowii Rouy
– Coste le nommera Doronicum emarginatum Le Grand
Sous l’impulsion de Fournier, ce classement évoluera rapidement au rang de sous-espèce.
Période 3 : fin du 20ième siècle à aujourd’hui
Les auteurs contemporains considèrent actuellement le Doronic de Willdenow comme un hybride d’origine vraisemblablement horticole qu’ils nomment Doronicum x willdenowii (Rouy) A. W. Hill. Il s’agirait d’une hybridation entre Doronicum plantagineum et Doronicum pardalianches. Ce caractère hybride expliquerait notamment la variabilité morphologique des individus selon les populations. On notera de plus que Doronicum plantagineum et Doronicum pardalianches présentent un lien de filiation plus ou moins proche.
C’est cette évolution de la connaissance taxonomique sur le Doronic de Willdenow qui a pour conséquence la multiplication des synonymes.
Les études récentes montrent que Doronicum x willdenowii est bien un hybride d’origine horticole, introduit et par endroit naturalisé, qui ne présente pas d’enjeu en terme de conservation. Ce taxon n’a donc plus sa place dans la liste des plantes rares et menacées comme l’est par exemple Doronicum plantagineum.
• BORNAND C., 2011 - Matériel pour l’identification des Doronicum, en particulier des espèces subspontanées confondues avec Doronicum pardalianches L., Bulletin du Cercle vaudois de botanique numéro 40, pages 97 à 106.
• Conservatoire Botanique National du Bassin Parisien, 2018 - Clé de détermination des Astéracées du Centre-Val de Loire, 75 pages.
• GUITTON H., 2009.- Mise au point sur la taxonomie du Doronic de Willdenow, Bulletin du Conservatoire Botanique National de Brest, numéro 22, pages 17 à 32.
• LEURQUIN J., 2006 – Étude des Composées (Astéracées) jaunes de la Belgique et des régions voisines, 210 pages.
* Toutes les photos du Doronic de Willdenow ont été prises dans un sous-bois humide du bord de l’Eure en Eure-et-Loir près de la ville de Tillières-sur-Avre.