Étang de la Tour, 12 septembre 2020
La sortie avait initialement été programmée à l’étang de la Grenouillère, asséché en 2018 pour travaux de réfection de la digue. En raison du dessèchement extrême de la végétation constaté début septembre, la sortie a été réorientée vers l’étang de la Tour, voisin du premier.
A l’étang de la Tour, la réduction très importante de la surface d’eau libre du fait de la sécheresse estivale exceptionnelle de 2020 a permis à une riche végétation de se développer sur les vases récemment exondées. Ce développement a été rendu possible grâce à la capacité physiologique des graines de certaines espèces de conserver leur capacité germinative sous l’eau pendant une longue durée.
L’assèchement partiel de l’étang constitue une aubaine pour les naturalistes ! N’oublions pas cependant que les températures élevées et la sécheresse mettent en danger extrême la vie de la forêt. Si les conditions climatiques nous permettent, cette année, d’observer à cet endroit une flore très riche, cette flore risque de disparaître (comme à l’étang de la Grenouillère) si une sécheresse récurrente s’installe.
La sortie s’est principalement intéressée à l’exploration de la zone récemment exondée en partie est de l’étang. Nous y avons observé une dominance d’espèces pionnières annuelles :
– des polygonacées : Rumex maritimus (Rumex maritime), la plus abondante, Persicaria hydropiper (Renouée poivre d’eau), Persicaria lapathifolia (Renouée à feuille de patience), Persicaria maculosa (Renouée persicaire), Persicaria minor (Petite renouée).
– des amaranthacées : Lipandra polysperma (Chénopode à nombreuses graines) et Oxybasis rubra (Chénopode rouge),
– des astéracées : Bidens frondosa (Bident à fruits noirs), Bidens radiata (Bident rayonnant, Protégée régionale), Bidens tripartita (Bident à feuilles tripartites) ainsi qu’une espèce très proche des Bidens dont une mention particulière est faite en fin de compte rendu.
– une rosacée : Potentilla supina (Potentille couchée, Protégée régionale)
On observe également de nombreuses jeunes pousses de Salix alba (Saule blanc) et Salix cinerea (Saule cendré) qui, à terme, pourront, en se développant, conduire à une fermeture du milieu. Dans les endroits qui ont conservé un peu d’humidité, on trouve quelques rosettes d’Oenanthe aquatica (Oenanthe aquatique, Apiacée).
Plus en périphérie de la zone exondée, on note des espèces de bord d’étang présentes avant l’assèchement : des brassicaceés : Rorippa amphibia (Rorippe amphibie) et Rorippa palustris (Rorippe faux-cresson), des lamiacées : Lycopus europaeus (Lycope d’Europe), Mentha arvensis (Menthe des Champs) et Scutellaria galericulata (Scutellaire casquée) ainsi que Lythrum salicaria (Salicaire, Lythracée) et, sur une grève, quelques exemplaires de Cyperus fuscus (Souchet brun, Cypéracée).
Une ceinture de Phalaris arundinacea (Baldingère) marque la limite maximum atteinte par le niveau d’eau de l’étang.
Nous n’avons pas retrouvé, lors de la sortie, Eleocharis ovata (Scirpe à inflorescence ovoïde), espèce extrêmement rare (voir notre photo), dont un exemplaire avait été trouvé lors d’une prospection effectuée le 8 septembre.
Au total, une flore remarquable avec une proportion importante d’espèces rares en Ile de France (25% des espèces recensées sur le site) a été observée lors de la sortie et lors de l’inventaire réalisé 4 jours auparavant :
– 2 espèces "extrêmement rares" en IdF : Bidens radiata et Eleocharis ovata
– 4 espèces très rares" (Laphangium luteoalbum, Panicum miliaceum, Persicaria minor, Potentilla supina)
– 3 espèces "rares" (Cyperus fuscus, Myosotis laxa, Rumex maritimus)
– 8 espèces "assez rares" (Bidens frondosa, Epilobium ciliatum, Juncus bulbosus, Lythrum portula, Oenanthe aquatica, Oxybasis rubra, Rorippa palustris, Setaria pumila).
Parmi ces espèces : 2 Protégées Régionales et 6 déterminantes ZNIEFF (Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique), voir liste jointe.
Guizotia abyssinica : Une mention particulière doit être faite à cette vigoureuse astéracée dont quelques exemplaires ont été trouvés sur le site (voir nos photos). Nous avions initialement considéré cette plante, très proche des Bidens, comme une variété horticole de Bidens cernua, échappée de jardin. Nous remercions Pascal Fichot de l’avoir identifiée comme Guizotia abyssinica. Il s’agit d’une plante originaire des Hauts Plateaux d’Ethiopie où elle est cultivée pour la production d’huile en raison de la richesse de ses graines en acides gras (30 à 50%). Elle entre également dans la composition de mélanges pour oiseaux. Ses dernières observations en Île-de-France remontaient à 1955 en Seine et Marne et à 1966 dans le Val d’Oise. Elle n’avait jamais été observée dans les Yvelines.
Il est plausible que les individus présents soient issus de graines transportées (excrétées ?) par les oiseaux. Ce pourrait être aussi le cas pour Panicum miliaceum (Panic faux millet) cultivé pour produire des graines pour oiseaux, dont un exemplaire a été trouvé en périphérie du site.
L’étang de la Tour fait partie de l’ensemble d’étangs réalisé à l’initiative de Louis XIV pour l’alimentation en eau des bassins et fontaines de Versailles. Cet ensemble, très riche en biodiversité, va bientôt être intégré à la Réserve Naturelle Nationale des "Etangs et Rigoles du Roi Soleil" dont le décret de création (retardé par la COVID) est espéré d’ici la fin de l’année.
Mycologie
La sortie botanique à l’Etang de la Tour était l’occasion de découvrir la fonge des milieux humides, et plus particulièrement des champignons de bords d’étangs, souvent en association avec les saules.
L’étang étant asséché, ajouté au fait qu’il n’a toujours pas plu depuis plusieurs mois, on ne s’attendait pas à voir grand chose. Et bien on a quand même été déçus...
La récolte se résume a 5 espèces de champignons :
Bref, petite récolte, mais le sujet du jour était bel et bien la botanique. Le champignon s’incline donc respectueusement et fait place aux fleurs et plantes de l’étang.
(Photos de Jean Prieur ; Frédéric Della Giusta)