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Forêt domaniale de Fausses-Reposes - 11 novembre 2023

Sortie mycologique

Le bataillon
11 novembre. En ce jour mémorable, le fier régiment des mycologues de l’ANY ont joint leur forces au non moins fier régiment des mycologues de l’association Environnement Fausses-reposes pour un raid dans la Foret domaniale de Fausses-Reposes. 616 hectares s’ouvrent devant nous, 616 hectares d’embuches diverses et d’effrayants périls, mais 616 hectares qui fleurent bon la France, la France éternelle, la France de nos aïeux ! Ca fleure bon le champignon aussi, l’humus, la nature, la vie ! Ca sent bon la pluie encore, et de ce coté là, nous sommes gâtés. Il pleut sur nous des hallebardes ; l’ennemi, quel qu’il soit, a choisi la plus vile des armes pour nous saper le moral dès le début. Mais c’est bien mal connaitre le tirailleur francilien : rien ne l’effraie, rien ne le fera renoncer. A tout le moins, quand il vient de sortir de son véhicule chauffé, il est encore plein d’allant et gonflé d’ardeur.

les bataillons de l’ANY et de l’EFR

Premiers accrochages
Une fois l’appel effectué par le général Varney, commandant en chef des forces naturalistes des Yvelines, nous nous élançons dans le bois direction Nord-Nord-Est, la fleur au fusil et le sourire aux lèvres. D’emblée la progression est difficile ; une troupe embusquée à l’orée du bois fond sur nous comme la misère sur le pauvre : le mortel Paxillus involutus forme l’avant garde, bientôt rejoint par la toxique Stropharia cyanea venue en nombre. Pourtant, on les aura vite mis sur le dos, pour en observer les lames dont, soit dit en passant, on ne se méfie jamais suffisamment (une lame, fut elle émoussée, est toujours dangereuse) : leur allure, leur couleur, l’odeur qui s’en dégage, et la façon dont elles s’attachent au pied sont pourtant essentielles pour la détermination du champignon.
Première échauffourée, premiers heurts, premières fièvres d’une sortie qui s’annonce épique et mouvementée. L’apaisement revenu en nos esprits une fois le sang revenu froid, on reprend notre progression, en rang plus serrés cette fois, le parapluie devant soi formant bouclier, l’oeil ouvert et l’oreille au guet.

Les gaz
L’accalmie n’aura été que de courte durée. C’est évidemment quand on se croie tiré d’affaire, quand on s’y attend le moins, quand la vigilance s’est relâchée, que l’ennemi tente de reprendre l’avantage et ici, de la pire des manières qu’il soit. En effet, alors que tout le monde profite de l’air frais des sous bois et hume à plein nez l’odeur fraiche de l’humus, les gaz sont employés contre nous : on bombarde alentours des Hebeloma sinapizans, l’hébélome moutarde ou hébélome brulant (odeur de rave et non de gaz moutarde), des Tricholoma sulphureum, le tricholome soufré à l’odeur d’acétylène, et d’autres espèces à l’odeur sinistre... Quelle fourberie ! Que peut-on faire sinon fuir ? On détalle donc, comme des lapins (à la moutarde), à la recherche d’un port ou arrimer nos frêles esquifs, "a safe harbour" comme disent nos camarades et compagnons d’infortune anglais.

Ttriholoma sulphureum - le tricholome soufré

Des épieux
On détalle, donc, mais on ne peut guère aller bien loin : des épieux ont été plantés au sol, par centaines, par milliers, pour protéger on ne sait quel ouvrage, ou simplement pour nous barrer le chemin et nous refouler vers notre camp. Ces pics acérés dépassent à peine du couvert de feuilles mortes, ce qui ajoute à la bassesse de cette défense du pauvre. Les bottes s’y empalent, s’y trouent, et expirent dans des râles saugrenus. Thyphula juncea, la clavaire filiforme, s’est transformée en calvaire pour nos brodequins. Clavaire, calvaire... Une inversion de lettre qui aurait dû résonner comme une mise en garde, mais quand il pleut à verses et qu’il fait froid, on a l’esprit lent et embrumé.

Typhula juncea - la clavaire filiforme

Explosions
On ne peut plus guère progresser dans ces conditions, malgré le courage de tous et les harangues du général Varney. C’est physiquement impossible, d’autant que la pluie redouble et transforme en nasse boueuse tous les chemins du bois. On décide de faire halte le long du Haras de Jardy, prendre du repos permet souvent de recharger les batteries. On ne pouvait pas si bien dire... Les batteries ennemies se mettent à tonner tout autour de nous, il pleut de l’acier plus que d’eau, et tout explose autour de nous. Un aéronef est lancé à notre secours, mais le malheureux ne peut guère y faire et il se contente de prendre une vue aérienne des gerbes de feu qui nous entourent. Jugez plutôt :

Stereum insignitum

Au sol, le spectacle serait presque émouvant de délicatesse si le danger n’était pas si grand. Mais il faut savoir faire contre mauvaise fortune bon coeur, et apprécier les beautés de ce monde, quelles que soient les circonstances dans lesquelles elles nous sont offertes. D’autant que le spectacle est ici stupéfiant, saisissant, époustouflant, renversant... Le général Varney souligne d’ailleurs avec des mots choisis la rareté, voire la solennité, du moment : « j’en ai vu des choses, mais des comme ça, cette chose que je crois pouvoir nommer Anthinea flammea, c’est seulement la seconde fois de ma carrière ». C’est donc assez exceptionnel pour le noter.

Anthina flammea

Parachutes
Comme souvent dans les bons films américains, c’est quand tout espoir semble perdu que la cavalerie arrive, au son du clairon, sabre au clair. Surgis de nulle part, bravant tous les dangers, après avoir embrassé une photo racornie d’êtres chers, ils s’élancent de leur aéronefs pour nous porter le secours qu’on n’osait plus espérer. Un bataillon entier de Marasmiellus ramealis, les marasmes des rameaux, se jettent courageusement dans le vide et ouvrent leur parachutes pour ralentir leur descente et viser avec le plus de justesse possible la cote 92-78 ou nous nous sommes réfugiés.

Marasmiellus ramealis

Epilogue
On passera sur la mêlée qui s’ensuivit, car l’important finalement est que nous sortîmes victorieux, encore et toujours, comme nos fiers aïeux auxquels nous rendons un hommage appuyé en ce jour du souvenir. « On ne sait où l’on va si l’on ne sait d’où l’on vient », c’est bien vrai. Et pourvu que le chemin soit couvert de champignons, comme en ce jour ou 77 espèces furent recensées, on ira là où l’honneur nous le commande. Amen.

info portfolio

chenille d'orthosia sp Armillaria gallica Chlorophyllum rhacodes Coprinopsis picacea - Coprin pie Coprinopsis picacea - Coprin pie Coprinopsis picacea - Coprin pie, vieux Coprinopsis picacea - Coprin pie Cortinarius elegantissimus Cortinarius_elegantissimus Daedaleopsis tricolor Daedaleopsis tricolor Helvella crispa Hebeloma sinapizans Laccaria amethystina Lactarius blennius Lycogala epidendrum Lycoperdon perlatum Marasmius bulliardii Marasmius ramealis Merulius tremellosus Mucidula mucida Mycena inclinata Panellus stipticus Stropharia cyanea Tremella mesenterica Gymnopus dryophilus Hebeloma sinapizans Lactarius blennius Mycena capillaris Paxillus involutus Anthina flammea Boletus edulis lycoperdon perlatum hypholoma fasciculare marasmius bulliardii

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