Les sorties se succèdent et ne se ressemblent pas, c’est ici sans doute la magie de la mycologie récréative. On se promène semaine après semaine dans différents écosystèmes des Yvelines, milieu humide, forêt de feuillus, bords d’étang, forêt de résineux (c’est plus rare), vielles pelouses, et à chaque fois, c’est une explosion de couleurs, d’odeurs, de formes, de gouts, une diversité propre à émerveiller les plus aguerris de nos membres. Cette fois encore, dans la forêt départementale d’Abbecourt, on a eu droit à un festival : des champignons par dizaines dans le bois, par centaines dans le sous bois humide près des fontaines, par milliers dans la pelouse près des ruines de l’abbaye, par millions dans les arbres, par milliards dans le ciel... Un festival de couleurs, oui, avec des champignons blancs, des bruns, des rouges, des verts, des bleus, des roses, certains souriants, d’autres plus taciturnes, certains au contact facile, d’autres plus taiseux... Oups, c’est à ce moment là qu’on se réveille, tout transpirant, forcé qu’on est de revenir à la réalité de cet été sec et peu favorable à nos amis les champignons.
Car oui, on peut rêver à des cueillettes miraculeuses, mais en ce moment, tout ça ne reste accessible qu’en rêve et la réalité est plus amère : il fait chaud, il fait sec, trop chaud et trop sec.
Compliqué dans ces conditions de faire un compte rendu... pour rendre compte de quoi ? Et bien on peut déjà évoquer l’histoire du lieu. Butinons donc le web et arrêtons nous sur le site du Cercle Historique d’Orgeval, et en particulier cet article qui fait la part belle à l’abbaye et aux fontaines couvertes. Ne jamais rater une occasion de s’instruire. Jamais.
Et alors, coté champignons, rien d’intéressant à rapporter ? Oh qui si mon ami ! Pour la quantité, on reviendra plus tard quand la saison automnale aura lancé le début de la grande pousse. 24 espèces auront tout de même été récoltées, ce qui est à peine plus que "pas grand chose", et de toute façon mieux que "rien". Concernant la qualité, quelques russules toujours agréables à identifier en sous bois, dont
Mais le clou de la journée aura été cette amanite blanche, qu’on aura trouvé à deux endroits différents séparés de quelques centaines de mètres : d’abord sous les noisetiers vers les ruines de l’abbaye, puis encore sous noisetiers, de l’autre coté de la route vers les grands frênes où poussent en automne des centaines de colchiques.
Des amanites blanches, il en existe plusieurs espèces dont de terribles mortelles. On ne peut donc pas s’arrêter à la couleur et il faut aller plus avant dans la description pour arriver à une détermination. Ici, on remarque deux choses qui nous permettent de conclure facilement :
Il s’agit donc de Amanita strobiliformis . L’inventaire de l’ANY nous apprend qu’il s’agit là de la 40e inscription, récoltées de début juin à début novembre. Son nom vernaculaire est "l’Amanite solitaire"... Que voilà un nom mal choisi, car ici, on l’aura trouvé en une dizaine d’exemplaires répartis tout autour du bosquet de noisetiers, presque en rond de sorcières.
Pierre Neville et Serge Poumarat indiquent, dans Amanitae - Fungi Europaei Tome 9 - Ed. Candusso, p 508 :
Cette espèce pousse pendant les périodes chaudes, de la fin du printemps (dès le début du mois de juin) à l’automne, souvent en terrain lourd, mais aussi sablonneux (sables dolomitiques par exemple), surtout sur sol calcaire, mais parfois également légèrement acide, dans les bois clairs et les endroits herbeux, sous feuillus : surtout divers chênes (Quercus ilex, Q. pubescens), mais aussi hêtres (Fagus sylvatica), bouleaux (Betula), châtaigniers (Castanea sativa), ou mêlés de conifères comme des pins (Pinus).
Voilà, on sait presque tout ce qu’il y a à savoir, hormis peut-être un dernier point. Pourquoi ’strobiliformis’ ? l’étymologie nous indique : strobili g.s. de strobilus = pomme de pin, cône de résineux + formis : en forme de pomme de pin, de cône de résineux. Poumarat et Neuville, dans le même ouvrage, apportent un peu de lumière : les larges écailles polygonales régulièrement réparties confèrent au chapeau une apparence comparable à celle d’un cône (ou strobile) de pin fermé.
Dernière merveille de la sortie, une galle que je n’avais pas encore répertoriée dans mon bestiaire à galles. Il s’agit de Didymomyia tilaceae , la galle du tilleul, causée par un diptère (moucheron). De jolies photos de détail se trouvent sur les site de bladmineerders.nl ici.
Comme quoi, même quand il y peu de champignons, il y a toujours de quoi faire ! Rendez-vous en septembre pour la prochaine sortie officielle, ou tout l’été pour pour les plus courageux, à l’occasion de sorties "off" !