L’Etang d’Or, Forêt de Rambouillet, 24 Juin 2023

Par Frédéric Della Giusta

Nous étions sept en ce samedi 24 Juin 2023, petite troupe de membres de l’ANY et de la SMF, réunis avec force et courage, pour arpenter les abords de l’Etang d’Or, haut lieu mycologique et l’une des sorties phare de l’ANY. Il y a deux ans déjà (Dieu que le temps passe vite et fait oublier les noms de champignons !), le 11 Juillet au même endroit, nous avions fait une très belle récolte, avec plusieurs espèces remarquables, tel ce Gymnopus terginus ou encore ce Butyroboletus pseudoregius. Et ce matin nous permettait de garder bien des espoirs. En effet, malgré les 30 degrés annoncés pour l’après midi, il avait plu dans la semaine - oh, rien d’extraordinaire, une pluie d’orage, mais on sait se contenter de peu. Et nous savons tous depuis bien longtemps que chaleur + eau = champignon², équation simple du bonheur mycologique, valant largement "E = mc²" en importance pour la destinée du genre humain.

Bref, hardi petit, nous commençons nos recherches par le bois sis derrière le camping Huttopia, la fleur au couteau à champignon et le sourire aux lèvres. Nous suivons avec respect et déférence nos deux maitres de cérémonies du jour, Yves et Daniel, attentifs à la moindre émergence suspecte parmi les millions de petits chênes qui tapissent le sol. Mais le constat s’impose rapidement... pas grand chose dans les chemins, rien de plus sous les arbres, encore mois parmi les ronces. Ah si ! des Gymnopus fusipes en quantité gastronomique, poussant en touffe au pied des chênes ou des souches de chênes. Mais il s’agit là d’un champignon très commun par chez nous, en tous cas pas de quoi fouetter un chat ni même susciter l’intérêt des mycophages car même s’il est comestible, il ne possède pas des qualités gustatives extraordinaires et comme l’aura préciser François qui l’aura gouté en ses jeunes années, il a surtout le gout de ce qu’on met avec, oignon ou persil.

Coté forêt, on n’insiste pas et on décide rapidement d’aller trouver du réconfort autour de l’étang, humide par nature et donc forcément mycologiquement giboyeux par déduction de la loi ci-dessus rappelée (suivez un peu s’il vous plait). En, face du camping, avant même de débuter le tour du plan d’eau, on croise un local de l’étape, intrigué par nos paniers et qui ne manque alors pas de nous interroger :

- Mais que faites vous donc avec vos paniers ?
- Nous cherchons des champignons mon brave, pour la beauté de la science !
- Diantre, par ces chaleurs, voila qui est audacieux !
- Oui monsieur, nous ne manquons pas d’audace et de bravitude, comme l’aurait dit Ségolène.

Et hop ! on attaque le bord à l’ombre, pour se préserver de la chaleur naissante. Quelques inocybes sous les saules, des lentins tigrés (Lentinus tigrinus) sur le bois mort de ces mêmes saules, et c’est bien le tout. Dis autrement, c’est bien peu, fort peu, trop peu. Pensez donc : pas une seule russule ! Et alors que montent en chacun de nous des sentiments mêlés de mélancolie, de tristesse, d’abattement, assis sur la berge les yeux tantôt dans le vague, tantôt dans l’eau du lac, on se prend à penser à ces illustres vers :

De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l’aquilon, de l’aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l’immense étendue,
Et je dis : Nulle part le bonheur ne m’attend.

Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !

Alphonse de Lamartine - L’isolement, dans "Méditations poétiques" (1820). Texte intégral ici

Mais que nous arrive-t-il ? Allons nous nous laisser décourager par un début peu prometteur ? Trois inocybes, voila déjà de quoi occuper une soirée entière de microscopie, alors ne boudons pas notre plaisir et gardons espoir. Déjà, parce qu’il y a un repas tiré du sac qui nous attend (youhouuuu !) et ensuite, car l’après midi peut nous réserver quelque surprise dont les sorties champignons gardent savamment le secret.

Allez zou ! Ressaisi toi moussaillon ! Direction l’ombre protectrice des chênes séculaires pour un déjeuner sur l’herbe bien mérité. Et commençons par invoquer le Dieu Fungus et trinquer à sa santé et à la nôtre. Comme d’habitude, l’ambiance est chaleureuse et amicale : on se partage les victuailles, on devise autour d’un café tiré du thermos, on se remémore quelques anecdotes de congrès mycologiques passés, de sorties exceptionnelles, de ces mycologues de renom que tel ou tel aura eu la chance de fréquenter... et on y retourne, car avec le repas le courage nous est revenu.

On reprend donc le tour de l’Etang, par le coté non encore exploré et donc potentiellement - non, assurément, il faut y croire - couvert de champignons. Car oui, puisqu’il n’y en avait pas du coté droit de l’étang, c’est bien qu’ils sont tous coté gauche ! Logique ! Évident ! Mathématique !
Mais de ce coté là, il faudra bien se rendre à l’évidence, la récolte sera encore plus rare que le matin, et la chaleur autrement plus forte. Alors proprement harassés de chaleur et manquant finalement de vaillance, on décide d’écourter et de rentrer chez nous prendre le frais.

Voila. C’était tout de même une belle sortie, entre amis, et rien que pour ça, on reviendra quelle que soit l’époque de l’année, la température, l’humidité des sols et la probabilité plus ou moins forte de cueillette exceptionnelle.