Par Étienne Varney
« Mesdames, Messieurs
Le spectacle va bientôt commencer. »
Le bateleur, de sa voix grave
Harangue le badaud
Pas de femme caoutchouc
Pas d’homme acier
Non bien plus
Du sensationnel
Du sublime
Du raffiné
Personnes cardiaques
S’abstenir
Devant trop d’émotions
Venez venez
Oui ils sont là
Les Hygrophores.
Temps gris maussade, 3°C ; mais quelques irréductibles amateurs du BEAU.
Le gel ce matin aura-t-il eu raison des derniers champignons de cet automne trop court. Arpentons donc les pelouses…
Non loin de la statue équestre de Louis XIV sous les traits de Marcus Curtius, réalisée par Le Bernin et François Girardon, après quelques recherches, les premiers apparaissent, nombreux et blancs immaculés, l’Hygrophore blanc de neige (Cuphophyllus virgineus) ; de taille modeste, on distingue à peine les chapeaux dans les herbes hautes ; mais certains exemplaires exceptionnels atteignent les 13 cm au garrot, un record.
Plus loin, le rare Hygrophore à odeur de cuir de Russie (Cuphophyllus russocoriaceus) ; ses fructifications forment un rond dans la pelouse soudainement rase. Il se distingue de par sa fragrance incroyable : parfum féminin, huile de cèdre, bois de crayon… le public reste ébaudi ! A court de mots devant cette découverte olfactive.
Le spectacle continue avec des couleurs étonnantes, un groupe d’Hygrophore écarlate (Hygrocybe coccinea) ; Presque entièrement rouge, aux lames plus saumonées. Plus qu’un discours, je vous laisse admirer ci-dessous ; dans la littérature, le chapeau peut aller jusqu’à 6 cm de diamètre ; ici, certains exemplaires atteignent les 10 cm !
Des autres représentants de la famille, on notera l’Hygrocybe perroquet qui a pris une couleur jaunâtre avec le gel.
Certains découvraient ces merveilles. D’autres connaissaient mais on n’est jamais blasé de ces rencontres pleines d’émotion.
D’autres taxons intéressants vus sur ces pelouses : des Dermoloma, Clavaires, Entoloma. Ces « CHEGD » (Clavaires, Hygrocybes, Entolomes, Géoglosses, Dermolomes) ont une valeur patrimoniale* à l’instar des orchidées dans des milieux similaires au printemps.
* Les Hygrocybes de pelouses sèches pour le diagnostic terrain
(Photos Nathalie Volevatch, Frédéric Suffert & Frédéric Della Giusta)