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Forêt de Beynes - 20 Novembre 2022

Sortie mycologique en forêt de Beynes

par Frédéric Della Giusta et Etienne Varney

Temps gris
Levé tôt
Café ou thé
En avant vers Beynes !
Bruine trop tardive
Pour raviver la pousse
Des convoités mycètes
Mais assez pour mouiller
Les gens encore souriants,
Pas pour longtemps...
Mais si !
Les graciles Psathyrelles
Et les Russules multicolores
Ravivent les forces
des convives et d’Eros

6°C, ciel bas, un crachin breton. En arrivant sur le parking du lieu de rendez-vous, on se demande bien pourquoi on s’est levé si tôt... Car le temps ne joue pas vraiment avec nous, pauvres humains frigorifiés. Le froid saisit d’abord les orteils et remonte lentement, lentement, mais surement : il progresse sournoisement, se diffuse et finit par envahir tout le corps après avoir ravagé toutes les extrémités découvertes : doigts, oreilles, nez... Brrrrrrrr...!
Qui plus est, malgré le temps humide de ces derniers jours, une question semble présente dans tous les esprits : verrons-nous quelques champignons ? Rien n’est moins sûr... La saison mycologique touche déjà à sa fin et d’ailleurs, elle n’aura rien eu d’exceptionnelle, quantitativement parlant. Déjà, la veille au Bois de Morval, on nous avait promis monts et merveilles ; et au bilan : c’était bien, très correct même, mais pas foufou. Une première prospection d’Etienne, arrivé comme souvent bien avant l’heure officielle du rendez-vous, n’a pas donné grand-chose... trois banalités, deux bricoles, un four (banal). Bon, on verra. Comme disait mon précédent médecin « le pire n’est jamais certain, Monsieur Della Giusta ». Et « il ne faut pas pleurer avant d’avoir mal » (il avait le sens de la formule, le bougre). Amen. Qu’importe après tout le temps et le nombre de champignons ! Le plaisir d’une sortie en forêt en agréable compagnie vaut bien tout l’or et les champignons du monde !

Contexte géologique

Assez rêvassé. Top départ, il est grand temps. Etienne déploie sa carte géologique, instrument essentiel à comprendre pourquoi on trouvera tel ou tel champignon et pas un autre. Nous voici de nouveau, comme la veille au bois de Morval, sur des terrains à dominante calcaire. Et on l’a déjà dit : le sol, autant que les espèces d’arbres (et bien d’autres critères encore que nous gardons secrets et distillerons au fil des sorties (vil effet de manche pour convaincre les gens de venir à nouveau à nos sorties) détermine la fonge qui s’y développe.

Carte géologique de Beynes

• e5 : Lutétien, marnes et calcaire grossier
• e3 : Yprésien inférieur, argiles plastiques
• Rc : Argiles à silex
• C6-5 : Campanien, Santonien, craie blanche à silex
<><> Axe anticlinal

Les forages que nous croiserons lors de notre périple témoignent d’un stockage de gaz souterrain dans des roches poreuses (sables) avec une couverture imperméable, à 2 niveaux jusqu’à 750m de profondeur (Crétacé inférieur). Le site est exploité par Storengy, filiale d’Engie, ex Suez-Gaz de France. Pour les curieux, les géologues en herbe (l’ANY, c’est aussi de la géologie), je conseille cette petite vidéo qui explique le fonctionnement d’un site de stockage souterrain.

Mais fi de la géologie, du gaz, du froid, de l’hiver ! Passons aux champignons s’il vous plait !

Mon nom est Persoon

Un des premiers champignons rencontrés est Hygrophorus persoonii, synonyme Hygrophorus glutinifer (Hygrophore dicolore), au chapeau et pied très visqueux. Sa présence témoigne d’un terrain ’calcareux’ pour les géologues, nous dirons ’calcaire’ pour ne pas froisser Monsieur Littré. Son arbre de prédilection semble être le chêne avec lequel il vit en symbiose mycorhizienne.
Arnaud nous précisera que Christiaan Hendrik Persoon (1761-1836) auquel est dédié cette espèce, est un mycologue Sud-Africain.

Christiaan Hendrik Persoon

Le nom actuel est bien Hygrophorus glutinifer mais là, on entre dans le domaine de la nomenclature, sujet épineux qu’on n’abordera pas aujourd’hui.

Les trois mousquetaires

Les trois mousquetaires ; Les trois grâces ; Les trois pyramides de Gizeh ; Les trois rois mages ; les trois pattes (cassées ou pas) d’un canard... à vous de choisir.

Les trois mousquetaires (Helvella lacunosa, crispa, elastica)

Tout au long de notre excursion, dont la progression fut difficile en raison d’un chemin rendu glissant par la pluie, et de quelques franchissements de cols alpins (oui, bon... parlons plutôt d’ascension de vagues collines, ou plutôt de monticules), on aura la chance de croiser trois Helvelles aux formes étonnantes :
  Helvella lacunosa, au pied lacuneux, noire
  Helvella crispa, la même en blanc
  Helvella elastica, au pied cylindrique et chapeau de nonne.
Il est rare de croiser trois espèces du genre Helvella dans la même matinée. Un plaisir matutinal qui doit rester celui des yeux et non du ventre, car ces champignons contiennent de la méthylhydrazine, toxique et cancérogène.

Feuillus, conifères et leur cortège de champignons

Dans une parcelle de hêtres, Nora apporte à Etienne un joli Cortinaire. Étudié l’après-midi, il pense avoir résolu l’énigme : un chapeau gris-bleu clair, un pied fusoïde : Cortinarius acutispissipes. Il s’agit de la seconde occurrence dans l’inventaire mycologique des Yvelines que dresse l’ANY depuis bien longtemps et qui couvre plusieurs dizaines d’années. Autant dire que c’est une découverte pas banale. Bravo Nora !

Non loin de là, un ensemble de gros cèpes bronzés (Boletus aereus) aux chapeaux brun noir et aux pieds ventrus ochracés, ravissent leurs inventeurs (au sens juridique du terme, bien entendu). Les exemplaires non véreux iront tout droit et sans autre forme de procès dans les paniers encore vides. En latin, aereus signifie "fait d’airain, de bronze, aux couleurs de ce métal". Voici pour l’édification des masses.

Sur une souche, on découvre un magnifique Ganoderma lucidum au chapeau luisant brun rouge. La médecine traditionnelle chinoise lui attribue de nombreuses vertus : retrouver la vitalité, stimuler l’énergie, accroitre la résistance, favoriser la longévité et conserver la jeunesse ! Voilà qui suscitera bien des convoitises parmi nos cueilleurs du jour !

Dans la parcelle voisine, sous les pins, on observera :
  La Nonnette voilée (Suillus luteus), un bolet à anneau
  La Collybie queue-de-souris (Baeospora myosura) à lames serrées, greffée sur cônes de pins. Si on est intéressé par les champignons des cônes de conifères, on pourra consulter cet article, toujours réjouissant avant Noël et son sapin.

En rang d’oignons

Le retour se fait par un large chemin, presque une prairie au milieux des bois. Attention, le moment est sérieux, l’heure grave. Nous nous disposons en ligne, séparés d’un mètre. Objectif : trouver l’Hygrocybe. Il a fait basculer certains (j’en suis) dans la recherche effrénée, comme une soif intarissable, un feu inextinguible, de la plus féminine et absolue beauté qu’un champignon puisse offrir (pas moins).
C’est quoi un Hygrophore ? me demande-t-on. Il a un chapeau, et un pied de pareilles et sublimes couleurs. Bon, ce n’est pas très explicite, mais quoi que je puisse dire, on ne me croirait pas. Il faut le voir pour le croire, et puis c’est tout. Nous ne verrons point, malheureusement.
Nous ferons les week-ends prochains une ou deux excursions dédiées à ces merveilles : consultez régulièrement l’agenda en ligne pour ne pas rater ces sorties supplémentaires.

Le groupe à la recherche des Hygrophores

En revanche, la nature nous gratifiera encore quelques belles rencontres comme la tête de moine (Infundibulicybe geotropa), de jeunes exemplaires au pied élancé, au chapeau au centre mamelonné de couleur chair et en de forme évasée quand il grandit ; un très bon comestible, soit dit au passage. L’illustration ci-dessous est extraite du savoureux « Gratin des champignons » de Roland Sabatier. Ce n’est pas un livre de recettes mais un guide amusant avec des dessins qu’on retient aisément.

Infundibulicybe geotropa, la tête de moine

Voilà, malgré la pluie, encore une sortie pleine de belles rencontres aussi bien humaines que mycologiques. Vivement la prochaine !

Liste des espèces observées.

(Photos Nathalie Volevatch, Christelle Rouaud, Chantal Bongiorno, Frédéric Suffert & Étienne Varney)

info portfolio

Coprinopsis picacea (Syn Coprinus picaceus) - Coprin pie Ganoderma lucidum Crucibulum laeve Erysiphe aceris, syn. Sawadaea bicornis, sur Acer campestre (oidium de l'érable) Erysiphe Coryli, syn. Phyllactinia guttata - oidium du noisetier (corylus (...) Erysiphe Coryli, syn. Phyllactinia guttata - oidium du noisetier (corylus (...) Erysiphe Coryli, syn. Phyllactinia guttata - oidium du noisetier (corylus (...) Erysiphe Coryli, syn. Phyllactinia guttata - oidium du noisetier (corylus (...) Helvella crispa Helvella crispa Helvella crispa, asques et spores Helvella elastica Helvella elastica Helvella elastica, asques et spores Helvella lacunosa Helvella lacunosa, asques et spores Lactarius blennius Mucilago crustacea Amanita citrina - Amanite citrine Amanita pantherina - Amanite panthère Baeospora myosura - Collybie queue de souris Boletus aereus - le cèpe bronzé Boletus aereus - le cèpe bronzé Clitoplilus prunulus, Clitopile petite prune - Meunier Cortinarius acutispissipes Crepidotus variabilis fomitopsis betulina, le polypore du bouleau Ganoderma lucidum Helvella lacunosa Hygrophorus glutinifer Hymenopellis radicata Infundibulicybe gibba Lactarius chrysorrheus Leccinellum crocipodium Lepiota cristata Suillellus queletii Marasmiellus peronatus Marasmiellus ramealis - Marasme des rameaux Mycena rosea, la mycène rose Parasola conopilus Pluteus chrysophaeus Psathyrella piluliformis Russula laeta - la Russule gaie Russula mairei Russula nigricans - Russule noircissante Suillellus queletii Puccinia lapsanae Helvella crispa Mycena s.p. Psathyrella piluliformis la pluie tombe et inonde le chapeau des champignons Coprinopsis picacea (Syn Coprinus picaceus) - Coprin pie Helvella elastica Puccinia caricina sur Carex sylvatica Le groupe de mycologues Trametes versicolor Tricholoma atrosquamosum Tricholoma scalpturatum Xylaria hypoxylon - Xylaire du bois Coprinopsis lagopus Coprinopsis lagopus Helvella crispa

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