par Etienne Varney et Frédéric Della Giusta
Encore une sortie mémorable en ce samedi 14 mai. On croit pouvoir s’habituer mais non, chaque excursion est l’occasion d’émerveillements. Oui, "émerveillements" au pluriel, car ça mitraille, ça éblouit, c’est un feu d’artifice, et on en revient différent, pas tout à fait le même, ébaubi de tant de splendeurs.
Diantre, mais qu’avons nous donc vu ou vécu, qui aurait laissé un sentiment d’enchantement impérissable, voire de quasi extase ?
Le chemin d’abord. Comme le dit l’adage, ce n’est pas la destination qui compte, c’est le chemin. Avant donc d’arriver à la Roche-Guyon, on passe par la petite commune de Haute-Isle qui abrite l’église troglodyte de l’Annonciation. Un heureux hasard nous fait croiser le chemin de la secrétaire de Mairie qui, moyennant une maigre cotisation de deux euros, nous prête les clefs de cet étrange monument. Il y fait frais, un peu humide, aucun son de l’extérieur ne pénètre ce havre de paix à l’acoustique belle et enveloppante. Le lieu invite naturellement à l’introspection et à la méditation.
Le château de La Roche-Guyon ensuite, ou plutôt les châteaux, correspondant à différentes époques de construction. On n’aura évidemment pas l’occasion de le visiter ce jour, mais pour l’avoir fait par ailleurs, je le conseille vivement, par exemple à l’occasion d’une promenade un dimanche après midi ensoleillé de préférence.
La Grotte à Bières enfin, qui, même si elle n’est pas officiellement au menu de la journée, a été avec bonheur conseillée par un participant à la sortie. Il faut avouer qu’après une longue journée de crapahut dans les prairies et les bois, sous le soleil, un passage par la Grotte à Bières fait un bien fou, et nous rassure sur le fait que oui, Dieu existe ! Pensez donc : 160 bières différentes, et une planche de charcuteries et fromages à l’évidence sélectionnés avec amour...
L’excursion bota et myco, bien sûr
De nombreux participants se rassemblent au parking du Bois de la Roche, venant de différents horizons associatifs : ANY, SMF (Société Mycologique de France) et quelques-uns de Timarcha (étudiants de Jussieu), certains botanistes, d’autres mycologues, et d’autres encore entomologistes. Que voilà un riche panel de sciences naturelles dignement représentées !
Et j’allais oublier la présence d’un mycologue-géologue, en la personne de notre président. Comme mise en bouche pour la ballade, Etienne nous expose le contexte géologique des reliefs que nous allons parcourir, carte à l’appui.
Nous commençons la balade par les coteaux dominant la Seine.
D’un point de vue mycologique, rien, nichts, nada, nothing, nihil. Il fallait s’y attendre vu qu’il n’a pas plu depuis… des lustres. Déprimant ; non, car les mycologues peuvent s’intéresser à autre chose que les champignons ; Eh, oui !
Donc, ils regardent les fleurs ; et elles ne manquent pas. Camille, notre guide bota, est d’ailleurs intarissable ; on a du mal à imaginer qu’il y ait autant de plantes différentes dans si peu de surface...
Dans la première prairie, on croise déjà 4 orchidées :
Un plus loin, c’est l’Ophrys bourdon (Ophrys fuciflora) qui nous fait l’honneur de sa grâce, et un peu plus loin encore, l’Ophrys mouche (Ophrys insectifera).
Ces prairies calcaires (Mésobromion) peuvent se fermer en broussailles puis en forêt (chênes…), milieu climacique, malgré l’action des animaux sauvages qui peuvent manger les jeunes pousses. On enchainera pendant près de deux heures plusieurs petites prairies, séparées de chemins broussailleux ou boisés.
Dans la famille des Fabacées, Camille nous indiquera les différences entre l’Hippocrépide à toupet (Hippocrepis comosa) et le Lotier corniculé (Lotus corniculatus).
On s’arrêtera aussi devant :
Dans les parties boisées, on observe deux nouvelles orchidées :
Cette dernière espèce, non chlorophyllienne, acquiert (vole) les glucides des arbres environnants ; c’est d’ailleurs une espèce purement forestière. La Néottie parasite un champignon via des mycorhizes (monotropoïde) et le champignon développe de son coté une symbiose ectomycorhizienne avec l’arbre. Il y a donc un pont mycorhizien entre l’orchidée et l’arbre via la champignon. il s’agit d’un ménage à trois en quelque sorte, où l’on espère que chacun contribue équitablement à la communauté.
Dans ce bois, on observe aussi l’Orobanche du lierre (Orobanche hederae), autre espèce sans chlorophylle mais là, le parasitisme se fait directement car l’Orobanche n’a pas de vraies racines. Elle suce la sève élaborée par l’intermédiaire de suçoirs au niveau des racines de la plante parasitée.
Plus loin, on arrive sur un coteau aride où la craie affleure. Sur cette pelouse calcaire sèche héliophile (Xérobromion), on observe,
Nous nous enfonçons ensuite dans le bois de la Roche, où on croise (enfin !) deux champignons :
Un pique-nique convivial à l’ombre des arbres termine la matinée.
L’après-midi, nous poussons jusqu’à l’arboretum de la Roche qui possède la particularité notable de représenter la carte de l’Ile de France (sans doute faut-il le survoler pour en apprécier pleinement l’originalité). D’autres plantes y seront décrites à la troupe qui ne se rassasie décidément pas d’informations. On profitera aussi des cerisiers pour faire une halte dégustation.
Coté entomo, Gilles nous communique l’article qu’il a publié dans son blog : Quelques insectes vus à La Roche-Guyon – Nature Yvelines. A savourer sans modération !
Coté galles, deux belles découvertes viennent enrichir notre tableau de chasse :
Voila qui termine le compte rendu de cette journée mémorable. Quand je disais en introduction qu’on en revient changé, on comprend je l’espère, à la lecture de ces quelques lignes, que la sortie de la Roche-Guyon fait partie des sorties d’exception !
Note : Une liste des plantes vasculaires sera divulguée ultérieurement.