Par Frédéric Della Giusta
En ce dimanche 18 Juin de l’an de grâce deux mil vingt et trois, nous étions une petite dizaine à avoir répondu à son appel. Quid ? L’appel du Général ? Non pour sûr, utiliser une telle référence pour une unique raison de concordance des dates, la ficelle aurait été trop grosse... Je veux évoquer ici l’appel de la forêt, ou plutôt, l’appel du champignon le matin au fond des bois. Un appel irrésistible, envoutant, ensorcelant, tel un champ de sirène attirant le frêle esquif sur un banc de rochers, un appel impérieux à rencontrer la fonge des Yvelines, à parfaire sa connaissance en la matière, et pourquoi pas, à remplir son panier dans l’espoir un peu fou de déguster une poilée ce midi...
L’espoir était pourtant ténu. La bataille hydrique de ce début d’été semblait déjà perdue. Plus de six semaines sans une seule goutte d’eau, et des températures dépassant les 30 degrés depuis deux semaines ! Pouvait-on espérer quoi que ce fut ? Pas vraiment, mais quand l’appel est là, on est bien forcé d’y répondre, la volonté manquant absolument pour résister. D’autant qu’un sortie de repérage la veille n’avait permis de recenser qu’une seule espèce... Mais comme l’aura très justement rappelé Étienne, on ne ramasse pas grand chose avec un râteau à une dent ! ici avec dix dents (ou 32*10, ça dépend comment on compte), on devrait bien mieux s’en tirer !
Afin de mettre toutes les chances de notre coté, nous commençons la sortie par le coté Sud de la Gare de Saint Nom, direction la zone humide et son aulnaie, qui sait souventes fois réserver quelques bonnes surprises. Sur le chemin, à quelques encablures du parking, nous rencontrons la première espèce, fort intéressante ma foi : Lactifluus glaucescens, le lactaire verdissant, fort ressemblant au lactaire poivré (Lactifluus piperatus). Il nous aura d’ailleurs fallu attendre l’après midi, et constater un verdissement net des lames à l’endroit où elles avaient été frottées, et un ultime test à la potasse, révélant une couleur orange soutenue, pour écarter définitivement le lactaire poivré. Il s’agit de la troisième inscription à l’inventaire de l’ANY, autant dire qu’il s’agit là d’une rareté qu’il nous faut prendre le temps de contempler, de gouter (ça pique fort), de caresser...
Juste à coté, deux exemplaires de Russula pseudointegra, confirmé par le test du Gaiac dit différencié, car nul sur le pied et positif sur les lames. Elle rappelle la russule jolie (Russula lepida) car le chapeau est rouge, pruineux, odeur fraiche mentholée, mais R. pseudointegra a des lames crèmes puis ocre là où R. lepida présente des lames blanches.
Ce sera de ce coté ci de la gare, tout ce qui mérite d’être indiqué. Nous traversons alors la passerelle au dessus des voies, rentrons à nouveau dans la forêt direction les pins de Weymouth (Pinus strobus), dans l’espoir d’y voir quelque rareté. En Octobre 2011, le 14 très exactement, y avait été découvert Suillus placidus, le très rare Bolet ivoire. Mais rien pour ce jour. Sur le chemin menant aux pins cependant, nous aurons fait quelques jolies rencontres, dont Tylopilus felleus, le bolet amer qui porte bien son nom.
Un peu plus loin, quelques jolis exemplaires de bolets à pied rouge (Neoboletus erythropus) viendront égayer la fin de la balade. C’est l’occasion de rappeler à la troupe que ce champignon est un bon comestible, mais bien cuit car il contient des substances hémolytiques qui détruisent les globules rouges mais sont par bonheur thermolabiles.
Au total, 24 espèces auront pu être répertoriées, ce qui est très honorable au vu des conditions climatiques difficiles.
L’après midi est réservé à l’observation microscopique de la cueillette du matin ou d’exsiccata conservés précieusement à cet effet, et à l’identification des russules qui nous avaient laissés cois. Un atelier au local de l’ANY, intéressant, dans une ambiance sympathique, qui pourra déclencher, on l’espère, une passion mycologique chez tel ou tel !
Parmi les mille (à peu de choses près) merveilles observées, retenons ces spores d’Entoloma conferendum qui donnent son nom à l’Entolome à spores étoilées. Époustouflant !
Voilà, encore une belle journée de mycologie. A la semaine prochaine pour deux nouvelles sorties en forêt de Rambouillet. Inscrivez-vous vite avant qu’il ne soit trop tard !