CHERCHEUR D’EAU en MAURITANIE par Lucien BOURGUET (BURGEAP)
Alimentation en Eau Potable de la ville de Kiffa, en Mauritanie
Compte-rendu de la Conférence du 27 novembre 2021 à Versailles
Présentation de Lucien BOURGUET
C’est en 1956 que Lucien BOURGUET (LB), jeune ingénieur géologue, est entré au Bureau d’Etudes de Géologie Appliqué (BURGEAP), fondé, en 1947, par Jean Archambault, pionnier de l’Hydrogéologie française et ancien Directeur du Service Géologique de Tunisie.
Très rapidement, LB se voit confier des études de recherche d’eau en Mauritanie, à Atar, Bir Moghrein et M’Bout, avant de réaliser une longue série d’études hydrogéologiques dans le Sud-Est du pays, les régions du Guidimaka, de l’Assaba et des deux Hodhs, pour lesquelles la pluviométrie annuelle est actuellement comprise entre 150 mm et 400 mm.
Après la synthèse hydrogéologique du Sud-Est mauritanien (1965), établie à partir des études réalisées en 10 ans par Burgéap, les recherches en eau pour le développement de l’élevage (1975) ou pour alimenter la construction de la route de l’Espoir RN3 qui relie Nouakchott à Nema et jusqu’au Mali (1985), c’est en retournant en touriste en mars 2018 que LB apprend que la ville de Kiffa , (80 000 habitants) troisième ville du pays, manque d’eau et que la solution envisagée par le gouvernement mauritanien est la pose d’une conduite de 280 km de long pour y amener l’eau depuis le fleuve Sénégal.
Ce projet fort coûteux consistant à chercher si loin de l’eau de surface, qu’il sera ensuite nécessaire de traiter, parait insensé à LB qui considère qu’à moins de 50 km de Kiffa, existe une formation aquifère au sein de grès infracambriens, fracturés, de nature très comparable aux grès qui alimentent déjà une partie des villages situés sur la route de l’espoir, et surtout la ville d’ Aioun el Atrouss, (25 000 habitants) située 200 kilomètres plus à l’Est. A Aioun, des forages de 70 m de profondeur exploitent déjà, dans cet aquifère, un débit très voisin des 2000 m3/jour qui sont nécessaires pour Kiffa.
Ces grès d’Aioun, d’une épaisseur de 150 à 200 m, bénéficient d’une double porosité : à la porosité d’interstices du sable, (réduite par la cimentation du sable en grès), se superpose une porosité de fissures, liée à la dureté de la roche tectonisée. Le réseau des fissures qui traversent la roche permet de drainer la porosité très fine située entre les grains de sable partiellement cimentés, transformant la roche en un grès tendre.
Grâce aux photos satellites et au logiciel performant « Google Earth », un programme de reconnaissance des failles et linéaments (fractures) affectant les grès du secteur de Kiffa, est établi par LB, depuis Paris, avec confirmation, sur place, des structures a priori favorables, par le bureau d’études hydrogéologiques Hydroconseil dirigé par Mohamed Moctar Ould Mohamed Fall, hydrogéologue diplômé de l’Université de Montpellier. Hydroconseil assure les reconnaissances et visites sur le terrain et les mesures géophysiques, essentiellement électriques, sous forme de trainés de résistivités, de tomographie et de sondages électriques.
Ainsi, en mars 2019, Hydroconseil, avec l’appui de LB, a pu adresser à la Direction de l’Hydraulique une proposition chiffrée pour implanter et réaliser, dans la zone retenue, trois forages de reconnaissance, destinés à vérifier les assertions de LB, implantés sur linéaments contrôlés et validés par des mesures géophysiques.
L’aspect financier (réduit) et la qualité hydrogéologique (eau pure) du programme de forages présenté ont séduit le Ministre de l’Hydraulique.
Les 3 forages réalisés au début de 2021par l’entreprise de forage nationale SNFP, de profondeur 150 m, accompagnés de 2 piézomètres de profondeur 100 m, ont permis de définir, après essais de pompage, des débits d’exploitation ponctuels de 50 m3/h et 30 m3/h (2 forages), c’est-à-dire, le débit recherché de l’ordre de 2 000 m3/jour pour Kiffa.
La validité de la solution proposée à partir des eaux souterraines a conduit l’Agence Française de Développement (AFD) à accepter de fournir un financement additionnel, pour réaliser trois nouveaux forages dans les grès d’Aioun de ce secteur.
Le succès du chercheur d’eau, expérimenté, passe par la méthodologie suivante, en milieu fissuré :
– identifier l’aquifère adapté à l’objectif ;
– localiser les captages possibles par la recherche de linéaments, indices de fracturation,
– contrôler leur existence et caractéristiques (largeur, continuité) par méthodes géophysiques principalement électriques ;
– exécuter des forages de contrôle ;
– réaliser des essais de pompage pour optimiser le débit d’exploitation ;
– réaliser une modélisation mathématique pour synthétiser les résultats au niveau de l’aquifère entier, comme du bassin versant concernés.
La réalisation de quelques forages supplémentaires permettant une extension du champ captant à hauteur de 4 000 m3/jour, dans la région ainsi identifiée, à 50 km à l’Est de Kiffa est désormais une hypothèse réaliste.