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Champignon de janvier 2023

Meottomyces dissimulans (Berkeley & Broome) Vizzini (2008)

par Frédéric Della Giusta

Le champignon que nous mettons à l’honneur ce mois-ci est encore une rareté découverte à l’Etang-la-ville, en contrebas du Chemin des Closeaux le long de la voie ferrée ce 11 janvier 2023, il s’agit de Meottomyces dissimulans, une espèce tardive, visible de décembre à janvier (Novembre à Mars dans la littérature anglaise). C’est à quelques mètres près l’endroit où nous avions trouvé Coprinopsis melanthina qui avait eu les honneurs du Champignon d’octobre 2022, endroit à retenir et à préserver puisqu’il recèle mille et une merveilles (dont deux déjà mises en évidence, reste 999 à y découvrir, si Dieu veut).

Meottomyces dissimulans

Synonymie et nom vernaculaire

Hypholoma oedipus Saccardo (1887)
Psathyrella oedipus (Saccardo) Konrad & Maublanc (1949)
Pholiota oedipus (Cooke) P. D. Orton (1960)
Phaeogalera oedipus (Cooke) Romagnesi (1980)
Hemipholiota oedipus (Saccardo) Bon (1986)
Galerina oedipus (Saccardo) Clémençon (1986)
Je ne donne pas souvent les synonymes des champignons car ils sont en général pléthoriques et n’apportent pas grand chose au commun des mortels dont je suis, sauf dans de rare cas comme celui-ci. Le nom de genre Meottomyces étant relativement récent (2008), de nombreux ouvrages que le mycologue passionné utilise quotidiennement font encore références aux anciens noms. Le guide de Marcel Bon, Champignons de France et D’Europe occidentale, utilise par exemple Hemipholiota oedipus. Je ne donne ici que les principaux noms qui serviront aussi à illustrer la difficulté à assigner un genre à ce curieux champignon, comme nous allons le voir dans le chapitre suivant.
Notons enfin que le nom vernaculaire de ce champignon est la Pholiote à pied renflé.

Meottomyces dissimulans

Ethymologie

Passage désormais obligé, allons voir ce que nous enseigne l’étymologie.

  • Meottomyces : de Meotto, Francesco de son prénom, mycologue italien contemporain, et myces, suffixe utilisé pour former des noms de genre et issu du grec μύκης (múkēs) = champignon
  • dissimulans : du latin. Participe présent de dissimulare = dissimuler, cacher, déguiser (dissimulé, caché sous la mousse, sous les feuilles, sortant peu de terre), ou caché, déguisé (ressemblant à un autre).
    Bof, comme j’ai pu l’écrire à plusieurs reprises, souvent l’étymologie dit tout ce qu’il y a à savoir d’un champignon, mais ça ne marche pas à tous les coups, et ici, c’est complètement raté à première vue. Mais il ne faut jamais conclure à la hâte et se souvenir que les illustres mycologues qui nous ont précédés faisaient les choses avec méthode et jamais par hasard. Allons donc consulter la première mention de ce champignon, publiée dans « The annals and magazine of natural history, series 5, 9, p. 178 ».
    Diagnose latine in The annals and magazine of natural history, series 5, 9, p. 178

    Et... patatras ! (ou bardaf ! comme disent nos amis Belges). On n’y apprend rien sur le choix de cet épithète. De là, car j’ai ceci de commun avec la nature que j’ai une sainte horreur du vide, revenons à l’étymologie, creusons l’idée, et lançons nous dans de pures conjectures.

  • Une première conjecture, possible mais peu convaincante : le choix de dissimulans, au sens "caché", pourrait venir du fait que ce champignon pousse parmi (voire sous) les feuilles ou bien arbore des couleurs similaires aux feuilles mortes et le rend difficile à distinguer de ces dernières. Pourquoi pas. Mais on ne compte plus les différentes espèces de champignons bruns ou poussant dans les feuilles, alors pourquoi celui-ci plutôt qu’un autre ? On ne voit pas.
  • Une seconde conjecture, qui me plait davantage sans qu’absolument rien ne puisse l’étayer : ce champignon ressemble, vu de hauteur d’homme, à un champignon très commun en cette saison, Rhodocollybia butyracea, la Collybie beurrée. Il se dissimulerait donc en se parant des atours de la Collybie beurrée.
  • Une dernière possibilité, qui semble retenir les faveurs d’Etienne et de fameux mycologues sur le net, voudrait que ce nom aura été choisi en lien avec la difficulté de situer ce champignon dans un genre connu, car il additionne des caractères qui n’en font ni tout à fait une Pholiota, ni une Phaeogalera, ni une Hemipholiota pas plus qu’une Galerina, genres dans lesquels il a été rangé jusqu’à ce que le genre Meottomyces ne lui soit récemment consacré.
Meottomyces dissimulans - chapeau

Statistiques

Ce champignon est rare, au moins pour les Yvelines. Rare, non seulement car il peut facilement être confondu avec la Collybie beurrée, mais aussi parce qu’il pousse à une époque où on ne pense pas prendre son panier, affronter le froid, et partir à la cueillette des champignons. Et peut-être rare tout court.
Pour se convaincre du caractère exceptionnel de cette récolte, faisons un tour dans l’inventaire mycologique de l’ANY :

  • Nous avons actuellement 53000 relevés dans l’inventaire qui couvre une centaine d’années, avec un vaste majorité des relevés les 30 dernières années.
  • Parmi ces 53000 champignons, nous avions à date 2 récoltes enregistrées pour les Yvelines : une au Pré Clos à Buc le 06 décembre 2006, une autre le 18 décembre 2015 à Saint Germain en Laye, à la Croix de Noailles.
    Nous avons donc affaire ici à la troisième récolte dument répertoriée, j’en reste coi.

Note : le 22 Janvier 2023, une 4e récolte est ajoutée au tableau de chasse, toujours le long du Chemin des Closeaux à l’Étang la ville, mais sur un autre spot à environ 800 m du premier, dans un milieu plus ouvert et moins humide, toujours parmi les feuilles mortes. Deux photos sont ajoutées dans le portfolio ci-dessous.

Description

Passons maintenant à la description :

Chapeau
Chapeau de petite taille, 1 à 5 cm de diamètre pour cette récolte, brun foncé avec la marge beige presque blanche, quelques traces très discrètes de reste de voile, gars à viscidule, brillant, subtilement striée (par transparence), hygrophane (devient beige en séchant).

Pied
Entre 3 et 5 cm de hauteur, et 3 à 7 mm de diamètre pour les exemplaires observées (la littérature donne 1,3-5 cm ht x 1.5-8 mm diam.), blanc à beige avec des fibrilles blanches, avec un anneau fin et fragile. Présence d’un mycélium cotonneux blanc à la base.

Lames
Beiges, légèrement décurrentes, à arrête donnée pour dentelée mais surtout givrée (particulièrement visible lorsque observée à la loupe), avec présence de lamelles et lamellulles.

Odeur
Fongique faible

Spores
Spores phaséoliformes (en forme de graine de haricot) à elliptiques, hyalines, à pore germinatif petit ou nul (non observé sur cette récolte), mesurées à 7-9x4.5-5µm, là où la littérature donne une taille légèrement supérieure 8-10x4.5-5µm.

Meottomyces dissimulans - spores

Cystides
Présence de cheilocystides (sur l’arrête des lames) nombreuses, longues (40-80µm), clavées (en forme de massue), de forme très irrégulière (présentant plusieurs renflements dans leur longueur), certaines avec le sommet diverticulé (à plusieurs appendices terminaux) ou plutôt bifide (à deux têtes comme le montre la photo dans le portfolio).
Absence de pleurocystides (sur la face des lames). Caulocystides (sur le haut du pied) identiques au cheilocystides, curieusement non répertoriées dans la littérature consultée.

Meottomyces dissimulans - cystides

Habitat
donné sous feuillus, dans les feuilles mortes (cas de cette récolte) et sur débris ligneux

Comestibilité
non comestible

Références

  • LAESSOE T., PETERSEN J.H., 2020 - Les Champignons d’Europe tempérée - Ed. Biotope, Tome 1 p 605.
  • ROUX P., 2006 - 1001 Champignons. Ed. Roux, p 716 sous le nom Phaeogaleria oedipus
  • BREITENBACH J., KRANLIN F., 1995 - Champignons de Suisse - Ed. Société mycologique de Lucerne, Tome 4, p 340 sous le nom Pholiota oedipus.
  • MONTEGUT J., 1992 - L’encyclopédie analytique des champignons - éditions SECN - Vol 3 pp 480 - N°1362.
  • EYSSARTIER G., ROUX P., 2018 - Le guide des champignons France et Europe. Ed. BELIN, 4e édition, p. 876.
  • COURTECUISSE R., DUHEM B., 2013 - Champignons de France et d’Europe. Ed. Delachaux et Niestlé, p. 394, champignon numéro 1266.
  • KIBBY G., 2021 - Mushrooms and toadstools of Britain & Europe, Vol 3 p 54.
  • BRESSON Y., 1996 - Dictionnaire étymologique des noms scientifiques de champignons - Edition Association Mycologique d’Aix-en-Provence.
  • BERKLEY M. J., BROOME C. E., 1882 - The annals and magazine of natural history, series 5, 9, p. 178
  • Meottomyces dissimulans sur Mycodb
  • Meottomyces dissimulans sur ChampYves

info portfolio

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