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Floraison de mars 2023

Ficaria verna - Ficaire printanière


Par Michel NICOLLE

Ficaria verna Huds., 1762
Synonyme : Ranunculus ficaria L., 1753

Ficaire printanière, Ficaire fausse renoncule, Renoncule ficaire, Herbe aux hémorroïdes.

Autrefois appelée : Petite Chélidoine (car on croyait qu’elle guérissait les verrues), Petite scrofulaire (guérissait les petites lésions cutanées), Herbe au fic, Petite éclair, Éclairette (fleurs jaune vif évoquant de petits soleils).
En Allemagne elle est appelée « herbe au scorbut » en raison de son utilisation contre cette maladie, car cette plante est très riche en vitamine C.

Famille des Renonculacées.

tapis de Ficaria verna

Ficaria verna est une plante indigène extrêmement commune. Alors pourquoi en faire la floraison de ce mois de mars ? Tout simplement parce que cette espèce annonce le printemps. En effet lorsqu’on se promène au mois de mars et que l’herbe est encore jaunie par endroit, il arrive de rencontrer dans les parties basses et humides d’un bois, au pied d’une haie ou au bord du fossé une petite plante à fleurs jaune d’or en forme de soleil et à feuilles en coeur : la Ficaire.
Sa floraison s’étale de la mi-mars à la fin avril, considérée par beaucoup comme un signe avant-coureur du printemps.

touffe de Ficaire : Ficaria verna

Un cycle biologique sous contrôle de la température

Les études menées dans les années 1960 au laboratoire de botanique de Clermont-Ferrand ont montré que le cycle biologique de la Ficaire est sous la dépendance de la température.

  • En été, la plante est au repos. Il ne subsiste de l’appareil végétatif que les racines tubérisées. La tige souterraine (rhizome) porte un bourgeon dormant.
  • A l’automne a lieu le débourrement des bourgeons et la mise en place des racines absorbantes. Dès le mois de novembre, les premières feuilles percent le sol et la Ficaire devient visible.
  • Pendant l’hiver, la croissance se poursuit alors que les racines tubérisées se vident de leurs réserves et se rident. A ce stade, elles hydrolysent l’amidon et se comportent comme des organes sources qui assurent la croissance de la plante. A la sortie de l’hiver, de nouvelles racines tubérisées apparaissent.
  • Au printemps, les feuilles synthétisent des sucres qui s’accumulent dans les nouvelles racines en cours de tubérisation. Apparaissent ensuite les fleurs. Peu après la floraison, l’appareil végétatif aérien meurt, ne laissant au mois de mai que les nouvelles racines tubérisées qui assureront un nouveau cycle de végétation.
Ficaria verna (détail)

Étymologie

Ficaria vient de la racine latine fic pour « figuier » en références à ses racines tubérisées renflées ressemblant plus ou moins à des figues et du latin ficus désignant le figuier.
verna signifie printemps.

Habitats

On trouve cette plante dans les lieux frais et humides, sous-bois, endroits ombragés, forêt de feuillus où elle peut recouvrir de grandes surfaces.
Aux États-Unis et au Canada, introduite au 19ième siècle, elle est parfois considérée comme envahissante. C’est alors une menace pour la flore sauvage à cause de son cycle biologique à floraison printanière. En effet son développement précoce par rapport aux autres espèces indigènes lui permet de s’établir et de dominer les zones naturelles par son effet allélopathique qui élimine la germination d’autres plantes.

Description

Partie souterraine : Elle possède des tubercules souterrains.
Lorsqu’on arrache une touffe de Ficaire, on trouve au pied un chevelu de racines un peu particulier.
Certaines racines sont fines, blanches, ramifiées, banales. Elles jouent un rôle dans l’absorption de la solution du sol.
D’autres sont épaisses, brunes, renflées en massue. Elles sont tubérisées et chargées de réserves. Un montage dans l’eau iodée, réactif de l’amidon, révèle que les cellules sont bourrées d’amyloplastes synthétisant l’amidon comme molécule de réserve.

Tige  : Elle est souvent couchée et porte des racines adventives. La Ficaire est une plante basse, ne dépassant pas 30 cm de hauteur.

Feuilles  : Les feuilles caulinaires possèdent un long pétiole et ont un limbe cordiforme, alors que les renoncules terrestres communes ont des feuilles à 3-5 lobes découpés caractéristiques. Les basales ont un pétiole court et sont souvent blanchâtres car privées de lumières.

Feuille de Ficaire

Une renonculacée ressemble un peu à la Ficaire,le Populage des marais (Caltha palustris), mais s’en distingue par des fleurs plus grosses et des feuilles en coeur mais denticulées.
A la fin de la floraison (fin avril) la base des pétioles portent des petites boules blanchâtres, les bulbilles. Ce sont de petits massifs charnus comportant une racine tubérisée, riche en réserves, surmontée par un bourgeon. Ils vont bientôt se détacher de la plante et tomber. Elles seront ensuite entraînés par l’eau des averses, et ils germeront un peu plus loin, créant de nouveaux individus.

Fleurs  : Elles ont 2,5 cm de diamètre et possèdent 3 sépales et 8 à 12 pétales (8 le plus souvent), jaunes brillants. Les trois sépales ainsi que la face externe des pétales sont verdâtres.

Ficaire : sépales et face inférieure des pétales

Les étamines sont nombreuses et extrorses. Les premiers boutons floraux apparaissent au début du mois de mars. Les carpelles sont très nombreux.

Fleur de Ficaire

Elle est nyctinastique car elle referme ses fleurs par temps couvert et la nuit.
Fruits : Ce sont des polyakènes. Ils sont ovoïdes et tombent sans libérer les graines.

Un nom scientifique fluctuant

Le nom français de Ficaire fait allusion à la forme des racines renflées, ressemblant vaguement à une figue (Ficus en latin).
Linné en avait fait une espèce de renoncule, d’où le nom de Ranunculus ficaria.
Quelques années plus tard, deux botanistes allemands, Conrad Moench et Albrecht Roth créent un genre nouveau (Ficaria) pour cette plante qui est en effet bien différente des renoncules typiques. Ils lui donnent en outre un nom spécifique signalant qu’il s’agit d’une fausse renoncule : Ficaria ranunculoides.
En 1936, Fournier adopte dans sa flore un nom d’espèce différent du au botaniste anglais William Hudson et traduisant la floraison printanière de la plante : Ficaria verna (vernus signifie printemps en latin).

Une plante toxique

D’une façon générale, la famille des Renonculacées jouit d’une fâcheuse réputation car presque toutes les espèces sont vénéneuses pour l’homme ou mauvaises fourragères pour le bétail, mais certaines, dont la Ficaire, ne le sont qu’à l’état frais, leur dessiccation entraînant une perte de toxicité. Cette toxicité est dû à la présence de protoanémonine qui se transforme au séchage en anémonine, inactive. Cependant, à fortes doses, elle est très toxique, provoquant des vomissements, des diarrhées et de l’hématurie.


Les photos sont de l’auteur et ont été prises dans la ville du Chesnay-Rocquencourt.